C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc

« C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc » est un beau et court roman d’anticipation écrit par Lilian Bathelot qui nous propose une réflexion intéressante sur les limites d’un monde futur ultraconnecté et les conséquences de sa confrontation avec des sociétés plus traditionnelles.

Tout d’abord paru dans un format jeunesse (en 2006), ce livre a été revu et corrigé par l’auteur pour cette nouvelle version (novembre 2020, Pocket), rédigée pour le tout public. 

C'est l'Inuit qui gardera le souvenir du Blanc-L.Bathelot - Pocket
C’est L’Inuit qui gardera la souvenir du Blanc de Lilian Bathelot © Pocket

Polar dans les glaces du Groenland

Avec les Inuits du futur

Kisimii(ppunga) est une jeune Inuit vivant dans le Grand Nord, plus exactement dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Groenland.

Bien que nous soyons en 2089 et qu’elle soit devenue une brillante chercheuse en biophysique, elle reste attachée à la culture chamanique et rituelle de ses ancêtres.

En effet, à l’origine, les Inuits étaient un peuple de chasseurs (nomades puis sédentaires), vivant en grande partie de la chasse et de la pêche et le chamanisme faisait partie de leur culture, en harmonie avec leur environnement.

Dans cette optique, Kisimii réalise alors sa « Première Chasse », un rite de passage consolidant sa position d’adulte dans la société inuite.

Mais sa chasse est interrompue par un évènement perturbateur : la jeune Inuit voit surgir un traîneau poursuivi par les loups sur lequel repose un Européen blessé.

Qui est-il et que vient-il faire ici, au milieu de nulle part ?

Gouvernance mondiale

L’auteur nous présente un monde futuriste divisé entre deux zones au mode de vie et à la philosophie radicalement opposés :

  • La plupart des êtres humains est reliée (par l’intermédiaire d’implants), à un réseau de surveillance mondial dans une zone gouvernementale définie (la majorité d’entre eux)
  • D’autres territoires, plus défavorisés ou moins peuplés, sont appelés les « zones franches ». Les populations qui vivent dans ces zones n’ont pas la possibilité de bénéficier de toutes les technologies ou refusent carrément cette société connectée qu’ils jugent liberticide.

Ces rebelles appartiennent aux grandes nations des origines ou « natives » et cherchent à demeurer dans l’invisibilité des radars de l’autorité planétaire qui considère dangereux et indécents les mondes des non-implantés…

Évidemment, chaque camp tente de contrecarrer les plans du camp ennemi (même s’il s’agit plutôt d’une guerre froide ou d’escarmouches dissimulées aux yeux de la population mondiale).

On pourrait presque dire que l’aventure se déroule dans un monde où s’affrontent « ceux qui se battent pour survivre » et « ceux qui s’adaptent pour survivre ».

En même temps, on apprend qu’il semblerait que les territoires inuits aient un lien avec les objectifs mystérieux de la rébellion… Les dirigeants « implantés » , inquiets pour l’avenir de leur monde connecté, sont aux abois…

Récit d’aventure, anticipation et réflexion

Une double écriture

Dans ce contexte ambivalent, Lilian Bathelot utilise une double écriture narrative :

  • Un texte fluide et puissant dans un récit d’aventure où l’on découvre ce qui se passe dans les territoires inuits avec Kisimii, son fiancé disparu, le mystérieux Européen blessé et la République indépendante des Inuits,
  • Un langage différent mis en avant par l’écrivain lorsqu’il s’agit de suivre les agissements des policiers de Montpellier (eh oui…) en charge de la mission d’espionnage.

Les officiers La Gauffre (!) et Coste paraissent tout droit sortis d’un ancien film policier, avec leur langage et leur attitude archaïques, eux qui pourtant vivent dans une société hyper technologique….

Réflexion politique et écologique

A partir d’une classique intrigue de polar, ce roman évolue, en même temps que ses personnages, et nous offre une anticipation géopolitico-écologique. L’auteur invoque la protection de la Nature, la sauvegarde des espèces marines (il s’agit ici des narvals), et l’avenir des peuples en voie de disparition….

Cet étonnant roman est en fait un mixte de genres littéraires : un peu d’anticipation, de la science-fiction à petite dose, du polar, de l’aventure et un soupçon d’ethnologie.

Un beau roman empli d’humanité, un souffle de fraîcheur bienvenu (au Pays des Glaces !), qui se distingue au sein d’une littérature SF parfois trop orientée vers la technologie.

De nombreux thèmes sont évoqués : confrontation entre cultures différentes, stupidité et résilience de l’espèce humaine, domination d’un groupe sur un autre, intérêt de conserver sa liberté face à des technologies ou des politiques envahissantes, etc.

Dans ce roman, ce n’est pas l’aspect « science-fictionnesque » qui prédomine mais le message écologique et philosophique.

Et si vous avez des interrogations concernant le titre de ce livre, vous ne comprendrez vraiment son choix qu’en lisant les derniers chapitres.  😉

Pour en savoir plus sur les Inuits

Si les Inuits vous intriguent, voici quelques livres qui répondront à vos questions et vous passionneront peut-être.  🙂  

  • Je veux que les Inuit soient libres de nouveau – Autobiographie (1914-1993) Edition bilingue français-inuktitut, Taamusi Qumaq, PU Québec, collection Jardin de givre, 2020.
  • Lettre à un Inuit de 2022 – Un regard angoissé sur le destin d’un peuple, Jean Malaurie, Hachette Pluriel, 2019.
  • Ultima Thulé – Les Inuit nord-groenlandais face aux conquérants du Pôle (1818-1993), Jean Malaurie, Pocket Terre Humaine, 2008.
  • Contes du Grand Nord. Récits traditionnels des peuples inuits et indiens, Howard Norman, Albin Michel, collection Terre indienne, 2003. 

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