La nuit des temps

Qui ne connaît pas « La Nuit des temps », ce roman extraordinaire paru la première fois en 1968 aux Presses de la Cité, réédité constamment depuis, cette œuvre inoubliable de l’écrivain français René Barjavel (1911-1985) ?  Je vous invite à la découvrir pour celles et ceux qui ne la connaissent pas ou à la redécouvrir pour les fans des œuvres « barjavelliennes ».

Un roman d'amour et de science-fiction qui traverse les âges

La nuit des temps de Barjavel
La Nuit des temps de Barjavel © éditions Presses de la Cité

Au commencement

Un jour, au cours du XXème siècle, des chercheurs français basés en Antarctique captent un signal qui les intrigue. Peu à peu, ils se rendent compte qu’une construction mystérieuse est enfouie profondément sous les glaces.

En creusant, ils vont découvrir ce qu’ils n’auraient jamais imaginé : les vestiges d’une ancienne civilisation millénaire. Et enfouis dans les profondeurs de la glace, il semblerait que reposent deux corps… que les scientifiques pensent pouvoir réveiller ! Une femme et un homme ont en effet été conservés en état de stase depuis un temps indéterminé dans une sorte de grand oeuf doré figé dans les profondeurs glaciaires.

Une histoire d’amour mythique

La belle Éléa (puisque tel est le nom de la jeune endormie), est donc tirée peu à peu de son long sommeil du fond des âges, évoquant son antique civilisation et son amour éternel pour Païkan, son âme soeur. Nous partageons alors avec elle les derniers instants de son monde voué à disparaître.

Certes, c’est le récit d’une histoire d’amour. Tragique. Émouvante. Mythique.

Mais c’est aussi une double romance que nous conte Barjavel car l’amour resurgit aussi au cœur du présent, dès l’instant où le docteur Simon pose les yeux sur Eléa, ébloui et fasciné par sa grande beauté.

C’est à travers les mots mélancoliques du médecin amoureux que l’on découvre ses sentiments et toute la douleur qui est la sienne face à l’irruption de cet amour impossible et anachronique. Parce que, ainsi qu’elle le dit elle-même, Éléa n’appartient qu’à Païkan…

La Nuit des temps est aussi un thriller de science-fiction

Cette confrontation avec l’inattendu créée des remous au sein de l’époque alors que toutes les télévisions du monde en prennent connaissance. D’autant plus qu’elle s’accompagne d’une remise en cause de l’Histoire et de la découverte d’objets innovants qui semblent presque magiques aux humains émerveillés du XXème siècle.

D’un rêve utopique à l’apocalypse

Quel humain n’a jamais rêvé d’une société parfaite ? Qui n’a pas imaginé un jour une civilisation paradisiaque où tous les hommes vivraient heureux et en paix ?

Barjavel nous convie ainsi à un voyage vers un lointain passé (900 000 ans en arrière dans le temps), en nous contant, par l’intermédiaire d’Éléa, la création d’une telle civilisation idéale, celle de Gondwana, où des êtres vivaient heureux et libres, à l’abri des contingences matérielles et sociales.

Et pourtant, nous apprenons que Gondwana a été confronté à une grande guerre violente et destructrice, comme le sont toutes les guerres. L’affrontement qui a opposé Gondas (habitants de Gondwana) et Énisors (Leurs ennemis vivants à Énisoraï) a été d’autant plus terrible et tragique qu’il a contribué à l’effondrement de cette civilisation édénique.

Un avertissement pour les générations futures

Toutes les civilisations sont mortelles. Même les plus grandes. Le roman de Barjavel nous interpelle parce que nous nous trouvons et nous nous trouverons toujours confrontés au problème de la guerre, de la décadence, de la perte de nos repères et à la potentielle destruction de notre société…

L’écrivain dans toutes ses œuvres, tel un lanceur d’alerte, nous incite à réfléchir à la société au sein de laquelle nous évoluons, en prenant en compte son présent mais aussi passé et son potentiel avenir. Déjà, dans « Ravage », il évoquait une société technologique en pleine déliquescence (plus ou moins la nôtre), face à la disparition de l’électricité.

Barjavel a également le mérite de mettre en avant une civilisation évoluée technologiquement bien antérieure à la nôtre, raillant l’orgueil de notre propre société qui se croit toujours supérieure à celles qui l’ont précédée.

Pour conclure

Émerveillement, tristesse, stupeur… Chacun peut ressentir un petit quelque chose en refermant ce livre… D’autant plus qu’il nous relate une double tragédie : celle de la destruction d’une utopie et celle de la perte d’un puissant amour. Cette tragique histoire d’amour nous touche d’autant plus qu’elle nous renvoie au mythe de l’amour éternel et aux amants maudits et légendaires tels Tristan et Iseult ou Roméo et Juliette.

Alors, à l’heure où face au réchauffement climatique, les glaces de l’Antarctique fondent progressivement (hélas), je me prends néanmoins à rêver qu’on découvre un jour les traces d’Eléa et de Païkan ou celles d’une civilisation millénaire enfouie depuis… la nuit des temps.

En savoir plus

Le roman de Barjavel « La Nuit des temps » a également été adapté sous la forme d’un roman graphique aux éditions Phileas (paru en décembre 2021) avec Christian De Metter comme dessinateur.

La Nuit des temps - BD de Christian De Metter - éditions Phileas
La Nuit des temps - BD de Christian De Metter - éditions Phileas

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