Roman insolite de Peng Shepherd paru en juin 2020 aux éditions Albin Michel (Collection Imaginaire), « Le livre de M » nous plonge progressivement dans un futur étrange et apocalyptique, évoluant aux confins de la littérature fantastique.

Le syndrome de Peter Pan
Et si nos ombres et notre mémoire disparaissaient totalement ?
Ce n’est pas un conte même si le récit commence avec ce qu’on pourrait appeler le « syndrome de Peter Pan ». En effet, un phénomène spectaculaire survient à Hemu Joshi, un Indien de Mumbai, puisqu’il perd son ombre ! Peu à peu, il perd également la mémoire.
Hélas, il n’est pas le seul être humain qui voit sa vie bouleversée puisque cette curieuse « maladie » se répand comme une traînée de poudre à travers le globe, sans que personne n’en connaisse ni la raison ni l’origine.
Or, les symptômes sont plus extrêmes que ceux ressentis par les personnes atteintes d’Alzheimer puisque les êtres affectés oublient tout leur passé : leur nom, leurs amis, leurs amours… Dans les cas les plus graves, elles ne se souviennent même pas qu’elles ont besoin de se nourrir, de boire ou de respirer !
Mais comment continuer à vivre normalement en oubliant tout ? Comment la société résistera-t-elle à la lente dégénérescence de ses membres ?
De la perturbation de la réalité à l’irréel inexplicable
Même si nous sommes confrontés dès le départ à un évènement hors du commun, les premières pages du roman nous plongent dans un monde décrit de manière assez réaliste jusqu’à nous apparaître (presque) plausible.
Pourtant, progressivement, des épisodes fantasmagoriques font leur apparition comme si les différentes strates de la réalité se distordaient pour faire place à un monde où le rêve et le cauchemar prennent vie.
Nous avons presque l’impression de basculer dans la 4ème dimension ! Tout cela est très original mais aussi un peu « flippant » 😉
Des personnages attachants à la fois forts et fragiles
Les personnages évoluent en même temps que ce monde qui devient fou. Road-trip de fin du monde pour certains, recherche d’un amour perdu pour d’autres.
Mais alors que l’humanité part à la dérive, certains êtres gardent toujours en eux la force de l’amour et l’espoir. Le couple touchant d’Ory et Max restera au centre de l’intrigue du début à la fin. La jeune Naz, iranienne émigrée aux Etats-Unis et l’amnésique à la suite d’un accident de voiture joueront également un rôle essentiel dans ce contexte particulièrement apocalyptique.
Un univers fantastique et sombre
Que penser de ce livre ?
Il est vrai que tout n’est pas rose dans ce monde qui s’éteint… Bien au contraire… Mais ce premier roman de Peng Sheperd n’en est pas moins curieusement attractif.
Je dois avouer que je souhaitais parvenir au bout de ses 592 pages parce que j’étais envoûtée par cet univers inaccoutumé et émue par le parcours de ses personnages attachants. Je désirais vraiment connaître leurs chances de survie et l’issue de leur quête.
Il est certain que l’auteur a un indéniable talent pour nous guider dans son monde imaginaire délirant mais poignant.
Alors, à défaut d’être sans mémoire, préparez-vous à un voyage qui vous laissera sans voix. 😉