Les agents – Une dystopie sur le monde du travail

« Les agents » est un roman dystopique de l’écrivain français Grégoire Courtois, qui a été publié chez Quartanier puis ultérieurement en poche chez Gallimard/Folio SF. Il vous plongera dans l’enfer d’un monde où le travail est devenu la seule raison de vivre d’êtres humains déshumanisés…

Le travail comme unique raison de vivre

Les agents de Grégoire Courtois - Folio SF
"Les agents" - Grégoire Courtois © Gallimard/Folio SF - Illustration de couverture de Georges Clarenko

L’enfer sur Terre

A travers cette dystopie glaçante d’un temps indéfini ou d’un futur improbable, Grégoire Courtois nous présente un monde obsédé par le travail, des êtres humains qui ne vivent qu’à travers lui, jusqu’à en oublier leur humanité.

Les travailleurs nommés des agents vivent dans des box situés dans des immenses tours dont ils ne sortent jamais parce que leur bureau est également leur lieu de domicile.

En bas des tours, il y a « la rue », un endroit perdu dans les brumes d’un monde oublié et inconnu. La rue où vivent « les chats » (pourquoi des chats ? pourquoi pas des chiens ? ; là, je n’ai pas compris… à moins que l’auteur les déteste ?).

Les agents pensent que ces humains déchus, ces « chats », sont des animaux, des espèces inférieures, ceux qui sont restés bloqués à une étape sous-humaine, contraints de vivre une existence sauvage, contrairement à eux, les travailleurs à l’intelligence supérieure qui occupent une fonction définie et positive dans la société. Du moins, les agents le supposent-ils parce qu’ils n’ont jamais mis les pieds en dehors de leur tour…

Le travail de ces agents se réduit  à suivre et contrôler des informations sur des écrans, des données transmises par des machines infaillibles. (Un thème qui m’a fait songer à l’excellente série télévisuelle récente Severance).

Un travail inutile et une vie qui n’a pas de sens. Un monde où les humains ont oublié leurs rêves, leurs espoirs et leur humanité. Un monde qui n’a ni passé, ni avenir. Le présent lui-même ne semble rythmé que par les heures de travail et les quelques instants de pause.

Violence et folie

Alors pour exister, certains agents sombrent dans un imaginaire proche de la folie ou dans la scarification de leur corps comme hymne à la beauté s’opposant à la laideur du monde qui les entoure. D’autres essayent de rechercher la vérité cachée depuis des décennies ou se jettent à travers les baies vitrées des immeubles pour ne plus continuer à fonctionner comme les robots sans âme qu’ils sont devenus.

Pour survivre dans ce monde sans pitié et sans joie, les agents se sont regroupés en guildes secrètes qui oeuvrent pour conserver leurs maigres privilèges et leur pouvoir sur les autres factions. Car le nombre est toujours un avantage pour qui souhaite rester en vie, notamment pour Lazlo et sa guilde, personnages principaux de ce roman.

En effet, la violence reste omniprésente et explose à intervalles réguliers dans les couloirs des bureaux qui deviennent parfois ensanglantés par ces luttes de territoires inévitables. Les suspicions, les manigances, les trahisons sont souvent suivies de crimes restant souvent impunis comme si tout cela était normal dans ce monde en vase clos qui a besoin d’exprimer son désarroi et d’extérioriser ses pulsions primitives.

Rester à son poste et conserver son travail importent plus que toute autre chose. Parce que sans lui, vous n’êtes plus rien.

Les machines ont gagné

Les machines paraissent puissantes bien qu’invisibles, livrant aux travailleurs les chiffres qu’ils doivent contrôler. Elles régissent leur vie et leur mort en un cycle de création / destruction qui n’est pas sans rappeler, un court instant, celui de « Soleil vert ». 

Et pourtant, ces machines sont idéalisées (parce qu’imaginées comme étant parfaites), à tel point que certains agents aimeraient leur ressembler et oublier leur corps à jamais, en conservant la perfection d’une pensée aboutie, d’un raisonnement sans faille et sans contestation.

Même si un certain flou subsiste concernant le monde extérieur, les machines semblent occuper une place importante dans ce délire que les hommes ont eux-mêmes créé.

Mes réactions en lisant ce roman

Première réaction : « Oh là là, que cet univers est sombre ! »

Deuxième réaction : « Intéressant quand même… »

Troisième réaction : « Passionnant malgré sa noirceur… Et si l’auteur voulait nous délivrer un message par l’intermédiaire de son singulier roman ?»

J’ai été progressivement :

  • Sidérée par la perspective qu’un jour, puissent exister ces lieux sordides et funestes, condamnant les humains à répéter leurs tâches inutiles et sans fin, tels des Sisyphes maudits échouant dans un cauchemar sans nom…
  • Intéressée par la galerie des personnages créée par l’écrivain, par son style alternant pensées et paroles, par ses phrases soudainement percutantes et terribles…
  • Subjuguée par cet univers ahurissant aux accents tragiques où l’on croit parfois apercevoir le reflet de notre propre monde… (à ce sujet, quand vous arriverez au chapitre intitulé « La porte des Hairaches », lisez déjà ce titre à voix haute et vous comprendrez…).

En lisant ce roman, il est en effet impossible que vous ne pensiez pas quelquefois à votre propre travail, à la valeur que vous lui accordez, à tous les instants où vous avez été manipulé, exploité, rejeté, oublié…

Il est impossible de ne pas penser au sens du travail tout au long de l’histoire humaine, à notre société actuelle et à celle qui pourrait un jour émerger dans un futur proche ou lointain, celle qui aurait enfin trouvé la réponse aux questions existentielles : « quelle est votre place dans un monde où il faut travailler pour vivre ou dans celui où il faut vivre pour travailler ? ».

En parcourant les différents chapitres de cet ouvrage, ligne après ligne, page après page, il est également impossible de ne pas penser à tous ceux qui considèrent le travail comme le but ultime de leur vie, à ceux qui ne trouvent plus aucun sens à leur vie laborieuse et sans joie, à ceux qui ont été exclus d’un système qui n’était pas fait pour eux ou qui ne les acceptait pas.

Il y aurait tant à dire sur ce roman que je pourrais en écrire encore des pages… Mais je crois que c’est déjà une des plus longues chroniques que j’ai jamais écrite….

A vous de le découvrir et peut-être, comme moi, refermerez-vous ce livre, la gorge un peu serrée…

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Envie de lire une autre dystopie célèbre ? Vous pouvez essayer « Un bonheur insoutenable » d’Ira Levin, un  roman remarquable !

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