Phare 23

« Phare 23 » (Beacon 23),  paru en 2015 en version originale et en 2016 dans sa première traduction française (aux éditions Actes Sud), a été écrit par Hugh Howey après sa spectaculaire trilogie « Silo ». Ce court roman très différent des romans antérieurs de l’écrivain, nous conte néanmoins, encore une fois, l’histoire d’un homme confiné au milieu de nulle part.  Plus qu’un récit de science-fiction, c’est un plaidoyer contre la barbarie de la guerre et un éloge du pardon.

Un gardien de phare spatial dans la tourmente

Phare 23 de Hugh Howey © éditions Actes Sud Collection Babel
Phare 23 de Hugh Howey © éditions Actes Sud Collection Babel
Phare 23 de Hugh Howey © Le Livre de Poche
Phare 23 de Hugh Howey © Le Livre de Poche

Solitude et désespoir

« Je ne suis rien d’autre qu’un soldat foutu, originaire d’une petite ville dans le trou du cul d’une vieille planète, et qui s’est débrouillé pour devenir aiguilleur de l’espace. » (Hugh Howey)

C’est l’histoire d’un soldat brisé par la guerre, envoyé en mission dans l’espace pour une durée de deux ans, afin de veiller au bon fonctionnement d’une balise spatiale dans laquelle il a élu domicile. Celle-ci, est en réalité un phare qui avertit les vaisseaux spatiaux du danger de la ceinture d’astéroïdes à proximité qui peut leur coûter la vie s’ils n’y prennent garde, transposition futuriste des phares qui prévenaient, jadis, les navigateurs des temps anciens afin qu’ils ne fracassent pas leurs bateaux sur les rochers inconnus des côtes marines abordées.

Le gardien de ce phare spatial surnommé « Digger » a été envoyé au loin (en partie selon son souhait), seul. En proie au désespoir de ne pas avoir su ou pu agir comme il aurait dû lors de la guerre et à des idées noires qui le hantent quotidiennement, il passe son temps à réparer les avaries survenant fréquemment dans sa « boîte de conserve » délabrée.

Pourtant sa solitude sera plusieurs fois troublée : lorsqu’un jour, plusieurs chasseurs de prime accostent, recherchant une jeune femme rebelle qu’il a connue autrefois ou lorsqu’il doit répondre aux signaux de détresse d’une autre balise stationnant à proximité de la sienne, un autre phare remis en état par une femme prénommée Claire…

Cricket, un animal hors du commun qu’il finit par adopter, puis Claire, « l’accordeuse » qu’il rencontre à plusieurs reprises, apporteront pourtant un peu de réconfort et d’amour à notre gardien de phare solitaire, même s’il sait que la guerre n’est pas terminée et que l’ennemi pourrait les attaquer à tout instant.

Conflit interstellaire

« Si t’en dézingues trois avant qu’on te réexpédie à la maison dans une housse mortuaire, alors les chiffres ont belle allure. » (Hugh Howey)

Ce phare portant le numéro 23 fait partie d’un ensemble de balises déployées par la NASA dans un avenir où les voyages spatiaux interplanétaires sont monnaie courante, alors que s’affrontent humains et extraterrestres (Les Ryphs) dans une guerre sans pitié.

Personne ne sait qui a déclenché cette guerre interstellaire ni quelle en est la cause. Mais les milliers de morts s’accumulent et les belligérants pourtant éloignés, se rapprochent peu à peu de Digger et de sa balise, lui qui ferait tout pour ne plus jamais avoir à participer à ce conflit.

A travers les réflexions de son personnage principal, Hugh Howey semble vouloir nous transmettre le message de l’absurdité de guerres meurtrières qui brisent les hommes qui servent de chair à canon et qui n’en ressortiront jamais intacts… 

Quel est le prix de la guerre ? Quel est celui de la paix ? Des interrogations qui taraudent et blessent l’âme de l’ancien militaire, en proie au doute et à la dépression…

Quelques traits d’humour

« Je regarde le caillou. J’ai l’impression que le caillou me regarde. » (Hugh Howey)

Tout n’est cependant pas si sombre dans ce roman. Malgré les circonstances tragiques, malgré ce contexte où un héros (qui n’en ai pas un) essaye de survivre, dans un lieu perdu au milieu de nulle part, Hugh Howey n’hésite pas à insérer dans son texte quelques traits d’humour appréciables.

Vous découvrirez quelques chapitres de ce roman particulièrement réjouissants (notamment le chapitre 10), tous ceux qui mettent en scène Rocky, un « caillou parlant ».  L’humour est également présent à chaque fois que le gardien du phare spatial essaye d’imaginer les messages que s’envoient ses interlocuteurs de la NASA quand il leur adresse une requête à distance.

Mon avis

J’avais lu ce roman il y a quelques années et je l’avais apprécié. Je l’ai relu récemment (puisque je ne m’en souvenais pas vraiment), et curieusement, il m’a moins plu (les premiers chapitres surtout). Je ne saurais dire pourquoi. Peut-être que nos goûts évoluent au fil du temps ou que l’appréciation d’un roman dépend du moment où on le lit…

Néanmoins, mon intérêt s’est accru au cours de ma lecture, intriguée et surprise non seulement par le récit qu’il nous livre, à contre-courant des fictions du genre (celles qui proposent le récit de batailles épiques aux héros valeureux), mais aussi émue par le troublant désespoir d’un homme aux multiples fêlures, un être meurtri profondément touchant, qui se bat contre lui-même pour ne pas devenir fou.

Hugh Howey sait également nous décocher, l’air de rien, une multitude de flèches acides qui nous percutent de plein fouet, tout en nous livrant une part non négligeable de ses opinions et ressentis personnels, une attitude assez inhabituelle dans son œuvre littéraire.

Le plus saisissant dans ce roman, plus optimiste qu’il n’y paraît, est peut-être que l’écrivain semble conserver sa foi en l’humanité, malgré tous les défauts, toutes les faiblesses et toute la folie de l’être humain…

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