Lune rouge

« Lune rouge » est le nouveau roman du célèbre et talentueux auteur de « la trilogie martienne » Kim Stanley Robinson, paru en version française en avril 2022 aux éditions Bragelonne SF (l’édition originale datant de 2018). Différent des précédents romans de l’écrivain, Red moon est surtout un récit d’anticipation sociale et une réflexion socio-politique concernant l’avenir d’une des plus grandes nations du monde.

Voyages mouvementés entre Terre et Lune

Lune rouge de Kim Stanley Robinson - éditions Bragelonne
"Lune rouge" de Kim Stanley Robinson © éditions Bragelonne - Design de couverture de Jean-Charles Pasquer © Shutterstock

Ne vous attendez pas à découvrir les différentes étapes de la colonisation lunaire comme l’écrivain l’avait fait pour la planète Mars dans « Mars la Rouge » (et sa suite), même si quelques descriptions lunaires vous réjouiront sans aucun doute. Car l’essentiel est ailleurs…

Un rêve devenu réalité

La Lune est désormais partiellement colonisée en 2047 et se rendre sur le satellite naturel de la Terre est désormais aussi simple que prendre l’avion !

Quelques États se sont essentiellement installés aux pôles lunaires mais ce sont surtout les Chinois qui bénéficient de la plus grande base, avec des innovations qui feraient pâlir d’envie les autres nations, alors que d’autres parmi eux se sont installés sur la face cachée de la Lune.

Course poursuite entre Terre et Lune

Comme vous avez pu le lire sur la quatrième de couverture de l’ouvrage, nous faisons connaissance du jeune Fred Fredericks qui part sur la Lune, pour remettre un appareil de communication quantique à un important homme d’affaires chinois.

Mais tout part en vrille (je vous laisse découvrir pourquoi), et il doit fuir la Lune de toute urgence, de même que Chan Qi, « princesse rouge » (fille d’un éminent membre du Parti chinois) qui avait été d’abord exilée sur la Lune à la suite de ses pensées réactionnaires.

Fred et Chan Qi, destinés à s’aider mutuellement, effectueront plusieurs voyages Terre-Lune pour échapper à leurs poursuivants, alors que Ta Shu, un vlogueur et poète chinois renommé rencontré sur la Lune, fera tout son possible pour les aider, grâce aux soutiens politiques qu’il possède sur Terre.

Car, en même temps, sur notre planète, la rébellion couve au sein des deux plus grandes nations de l’époque (La Chine et les Etats-Unis bien sûr) et les sociétés humaines au bord de l’explosion ne vont pas les épargner…

Symbolique des couleurs

En ce lisant ce roman, vous verrez que l’écrivain excelle dans l’utilisation symbolique des couleurs lors de ses magnifiques descriptions….

La Lune rouge, c’est tout d’abord la couleur que prend la Lune lors de l’éclipse totale résultant de l’alignement Soleil-Terre-Lune (qui a pu être visible pour les plus chanceux en France le 16 mai 2022 !).

Mais l’écrivain nous propose (avec style !) une observation de cette éclipse, depuis… la Lune :

« C’était plus ou moins la couleur d’un coucher de soleil sur Terre, mais en plus sombre et plus intense, une gamme subtilement changeante d’incarnats foncés, tous recouverts d’un éclat de cuivre poussiéreux. » (Kim Stanley Robinson)

Mais la couleur rouge, c’est aussi celle du sang et de la vie.  Et c’est également celle du Parti chinois et de la « princesse rouge » présente dans le roman.

Par opposition, le noir est la couleur d’absence de vie, et toutes les nuances du gris entre elle et la couleur blanche sont celles qui s’imposent au voyageur lunaire Ta Shu.

« Le ciel est encore plus noir que toutes les ombres au sol. Un espace de contrastes déchirants. Juste du noir et du blanc, le noir de ces plumes d’oiseau particulières qui capturent toute la lumière qui les frappe. » (Kim Stanley Robinson)

Avec la couleur bleue, l’écrivain évoque aussi la terrible nostalgie qui peut s’emparer de tous les spationautes (astronautes, cosmonautes et taïkonautes) qui ont pu contempler la Terre, planète bien aimée, depuis l’espace :

 « Si loin de chez lui. Un bleu azur, de la couleur de l’eau, la couleur du souffle. Le symbole cosmique du yin et du yang qui enveloppait cette couleur bleue était, par contraste, si manifestement mort. Ils regardaient la vie depuis la mort, tels des fantômes… ». (Kim Stanley Robinson)

Mon avis

J’apprécie toujours autant l’écriture de Kim Stanley Robinson qui nous propose ici davantage un roman d’anticipation qu’un récit de science-fiction (eh oui, ce n’est pas tout à fait la même chose…).

Quelques éléments de science-fiction restent présents cependant (techniques d’adaptation à la survie lunaire, utilisation de l’intelligence artificielle, développement des technologies quantiques), toujours au plus près de la réalité scientifique plausible (ce qui est un peu « la marque de fabrique » de l’écrivain !).

Anticipation en effet parce que l’écrivain s’inspire toujours du présent, de la réalité existante, pour brosser son portrait de l’avenir.

Anticipation encore mais dans le domaine politico-social qui, dans ce roman, prend souvent le pas sur l’anticipation technico-scientifique.

L’écrivain semble s’être beaucoup documenté sur la civilisation chinoise, son organisation, sa philosophie et sa poésie et j’ai trouvé intéressant qu’il réussisse à nous transmettre une connaissance plus intime du pays. Parce que comme la plupart des occidentaux, je suis un peu ignare dans ce domaine.

Mais il est possible que cela déçoive certains fans de l’auteur qui les avait habitués davantage à des romans axés sur le développement de l’installation humaine sur une autre planète, plutôt que la description d’un système politique sur Terre (une grande partie du récit a pour contexte la Terre, en Chine, et non la Lune).

Ce roman est différent des précédents de Kim Stanley Robinson, c’est vrai, mais j’ai aimé ses personnages, ses descriptions poétiques de la Lune, l’initiation culturelle qu’il nous propose d’une civilisation que nous connaissons peu, ainsi que sa vision peut-être anticipatrice de nations bouleversées et de sociétés humaines en plein questionnement.

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