Nouvelles d’anticipation dyschroniques 1

Présentation de plusieurs nouvelles de science-fiction / anticipation issues de la collection « Dyschroniques » des éditions Le passager clandestin. Des auteurs talentueux nous ont livré leur vision du futur et leurs réflexions sur le devenir de l’homme et sur ses relations ambiguës avec son environnement, ses semblables ou « l’Autre ».

Nouvelles, dyschronie et dystopie

Le choix de lecture des nouvelles

En m’exprimant de manière simpliste, je dirais que lire des romans, c’est bien, mais lire des nouvelles, c’est (parfois) encore mieux.

Pourquoi ? Parce que les nouvelles condensent en peu de mots, des récits imaginaires percutants, proposant habituellement un dénouement inattendu, une « chute » qui reste dans nos mémoires, sans nous égarer dans une multitude d’évènements, de lieux ou de personnages.

Mais ces textes ont également le pouvoir de révéler en quelques pages tout le talent des écrivain-e-s qui les rédigent. Sans oublier le fait que même si la lecture est rapide (et c’est parfois un avantage !), elle incite néanmoins à une réflexion pertinente.

Et les nouvelles d’anticipation réservent parfois des surprises ou fonctionnent comme des lanceuses d’alerte.

Qu’est-ce que la dyschronie ?

La « dyschronie » est un terme particulier non présent dans les dictionnaires généralistes (j’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé dans le Larousse, le Robert ou le Littré…), un mot pas vraiment utilisé dans le langage quotidien !

Ce terme serait plutôt lié à des troubles pathologiques, à des dysfonctionnements cognitifs et signifierait, un « manque d’adaptation à son temps », insistant, comme son nom l’indique, sur un dysfonctionnement chronologique.

Les éditeurs de la collection « Dyschroniques » auraient choisi ce terme en faisant référence implicitement à la notion de dystopie (« l’utopie qui vire au cauchemar ») et à celle d’uchronie (un choix évoqué ici).

Si j’ai bien compris leur ligne éditoriale, il s’agirait de permettre, grâce aux écrits d’auteurs du passé « d’éclairer notre vision » des sociétés actuelles.

Auteurs SF et nouvelles diverses au fil de mes lectures

Si j’ai choisi d’évoquer ces « Dyschroniques » des éditions Le passager clandestin, c’est donc parce que j’apprécie beaucoup les nouvelles et que cette collection est l’une des rares à (re)publier ainsi des textes courts, intéressants, parfois éblouissants, parfois inédits, d’auteurs connus ou non, souvent anciens et issus de « l’Âge d’Or de la science-fiction ».

Et j’ai fait le choix de vous présenter ces nouvelles par ordre alphabétique de nom d’auteur, tout en vous prévenant à l’avance que les paragraphes seront constamment réagencés puisque cette chronique est destinée à être complétée en fonction de mes lectures / acquisitions littéraires.

ALDANI Lino - 37° centigrades

37° degrés centigrades de Lino Aldani - Le passager clandestin - Dyschroniques
"37° centigrades" de Lino Aldani © éditions Le passager clandestin Collection Dyschroniques

Mieux vaut prévenir que guérir, n’est-ce pas ? Et si notre société mettait en pratique cet adage de manière extrême ? L’écrivain de science-fiction italien (1926-2009) imagine, en 1963, un gouvernement autoritaire, qui propose un système de sécurité sociale omniprésent et despotique, où des agents surveillent chacun et chacune, quitte à restreindre leurs libertés, s’infiltrant dans la vie privée et professionnelle de tous les Italiens…

« Êtes-vous bien sûr d’avoir la conscience tranquille ? N’avez-vous pas oublié votre tube d’aspirine à la maison ? (…) Toute personne trouvée sans son thermomètre est passible d’une amende de trois cent quatre-vingts lires ». (Lino Aldani)

Mais le jeune Nico, personnage principal de cette nouvelle, en a assez des injonctions et des surveillances des hommes de la CMG (Convention médicale générale) et décide de s’y soustraire. A ses risques et périls…

Ahurissante nouvelle tragico-comique qui peut nous rappeler un peu quelques souvenirs douloureux vécus lors de l’épidémie covidienne ! Même si, bien sûr, les restrictions de nos libertés n’étaient en rien comparables à celles évoquées dans cette nouvelle.

Lino Aldani met également en exergue le bénéfice financier engrangé par ceux qui sont censés proposer un accompagnement de santé… Un récit pas si éloigné de la vérité lorsqu’on constate les sommes parfois élevées que réclament certaines mutuelles de santé à leurs adhérents, non ?

ANDERSON Poul – La main tendue

La main tendue de Poul Anderson - éditions Le passager Clandestin - Dyschroniques
"La main tendue" de Poul Anderson © éditions Le passager clandestin - Dyschroniques

Alors que les beaux et paisibles Cundaloiens se réjouissent de pouvoir bénéficier de l’aide technologique de la Confédération humaine solienne, l’ambassadeur de l’Empire de Skontar la refuse sèchement et sa planète choisit alors une autre solution pour sauver leurs habitants de la famine et du marasme.

Qui a eu raison, qui a eu tort ?

C’est en lisant cette nouvelle de 1950 du « maître » Anderson (1926-2001) que vous découvrirez la réponse à cette question.

Tout en incitant à une réflexion salutaire, cette tristounette nouvelle est un peu dérangeante, il est vrai, par le fait de ce qu’elle souligne : l’impérialisme culturel d’une civilisation puissante qui méprise les cultures autochtones, l’acculturation inévitable de peuples en contact avec une culture dominante….

Une amère constatation dont pourraient témoigner certains peuples de notre histoire récente ou plus lointaine…

ANDREVON Jean-Pierre – Les retombées

Les retombées de J.P. Andrevon - Le passager clandestin - Dyschroniques
"Les retombées" de Jean-Pierre Andrevon © éditions Le passager clandestin Collection Dyschroniques
Jean-Pierre Andrevon nous propose de suivre un groupe de survivants français après une explosion nucléaire.  Écrite en 1979, cette nouvelle atemporelle fascine, inquiète, éblouit, perturbe…

Certaines questions restent en suspens mais peu importe puisque l’écrivain, en quelques pages, réussit à nous transmettre le ressenti de ses personnages égarés, en proie au doute et à l’angoisse.

 «(…) ils sentaient encore courir en eux, le long de leurs membres tremblants, dans l’axe de leur corps, au creux de leur diaphragme, dans l’assèchement de leur gorge, le fluide amer de la peur – une peur trop énorme pour être nommée, trop totale pour être chassée, une peur qu’ils n’avaient jamais ressentie… » (Jean-Pierre Andrevon)

Une nouvelle réellement impressionnante, parfois « horriblement belle », où le talentueux écrivain français jongle avec les mots et les couleurs dans un récit remarquable parfois très poétique, par exemple lorsqu’il nous parle de  « flocons de cendre, planétoïdes sans poids, étoiles de neige en négatif », de « réverbération intense sur la coque noire d’un plafond cendreux », d’ « ombre chinoise contre la surface à la matité d’étain du ciel »…  Bref, un texte magnifique et poignant.

MOORE Catherine Lucille – Aucune femme au monde

aucune femme au monde de Catherine L.Moore - éditions le passager clandestin-Dyschroniques
"Aucune femme au monde" de Catherine Lucille Moore © éditions Le passager clandestin Collection Dyschroniques

J’ai déjà parlé de cette belle nouvelle écrite en 1944 par par Catherine L. Moore (1911-1987), l’une des premières autrices de SF/fantasy, dans une chronique plus détaillée ICI .

WILHELM Kate – Demain le silence

Demain le silence - Kate Wilhelm - Le passager clandestin
"Demain le silence" de Kate Wilhelm © éditions Le passager clandestin Collection Dyschroniques

Cette nouvelle écrite en 1970 par l’américaine Kate Wilhelm (1928-2018), titille nos consciences écologiques, à l’heure où nous constatons la mise en danger de notre belle planète, et notamment, la déforestation et la disparition de nombreuses espèces.

Elle nous plonge en effet dans un futur qui nous attend peut-être : un monde qui a détruit ses forêts et qui ne peut plus respirer, un avenir où il est nécessaire de partir en quête de ressources vitales pour l’humanité.

Là où l’écrivaine innove et surprend, c’est lorsqu’elle imagine nos descendants qui n’ont rien trouvé de mieux que de rechercher ces ressources en voyageant dans le temps, non plus dans le passé mais dans l’avenir !

En effet, pourquoi l’humanité ne disparaitrait-elle pas dans des futurs très lointains laissant alors la Nature victorieuse se développer comme jamais, débarrassée de ceux qui la meurtrissaient ?

Un autre point fort est l’accent mis sur les hommes et des femmes modernes, des citadins confrontés au bruit des villes qui ne supportent plus le silence jusqu’à craindre le silence de la Nature !

En peu de mots, cette courte nouvelle stupéfiante nous incite à réfléchir sur notre propre époque et sur un futur où le plus fou n’est pas celui qu’on croit

ZELAZNY Roger – Le temps d’un souffle, je m’attarde

Le temps d’un souffle, je m’attarde de Roger Zelazny - éditions Le passager Clandestin - Dyschroniques
"Le temps d'un souffle, je m'attarde" de Roger Zelazny © éditions Le passager clandestin - Dyschroniques

Cette nouvelle (republiée en mai 2022 par les éditions Le passager clandestin), intéressera particulièrement tous ceux qui sont fascinés par les machines « intelligentes » et leurs relations ambigües avec ceux qui les ont créées.

En effet, vous ferez la connaissance de machines sophistiquées (d’ordinateurs ?), continuant à œuvrer sur une planète Terre où les êtres humains ne sont plus que poussières.

L’une d’entre elles, Gel, est particulièrement curieuse et s’interroge sur l’Homme disparu. Elle souhaite comprendre vraiment qui il était et ce qu’il était, c’est-dire saisir le concept de nature humaine et ce qui différencie un humain d’une conscience artificielle comme elle.

Roger Zelazny (1937-1995) nous interroge avec un certain humour : qu’est ce qui fait d’un être humain… un être humain ? Sa conscience, ses émotions, ses sentiments, sa propension à créer de l’art ?… Est-ce qu’une conscience artificielle pourra un jour réussir à le comprendre vraiment, à « s’humaniser » ?

De quoi vous laisser cogiter un moment…

A noter que :

– vous pourrez en apprendre un peu plus sur les débuts du concept d’« intelligence artificielle » dans la « synchronique du texte » proposée après cette nouvelle,

– qu’il est original de découvrir une « interrogation inversée » : ici, ce sont les machines qui cherchent à comprendre l’être humain et non l’Homme qui cherche à appréhender la conscience artificielle…

Vous pouvez découvrir d’autres nouvelles de cette collection ici : nouvelles d’anticipation dyschroniques 2 .

Si vous ne savez pas où acheter ces nouvelles (et même d’autres), sachez qu’elles sont disponibles chez la librairie ludique spécialisée dans la littérature de l’Imaginaire L’Antre Temps, qui, en tant que partenaire, vous permet de bénéficier d’une réduction de 5% avec le code « ANNASF5 ».

Photomontages diverses images provenant de Canva

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