Étrangers

« Étrangers » (Strangers) est un magnifique et court roman de science-fiction de Gardner Dozois, paru en en février 2022 chez Pocket SF (initialement édité en France par les éditions Denoël puis ActuSF sous le titre « L’étrangère »). Cet écrivain américain réussit à nous fasciner grâce à sa fable aux descriptions envoûtantes, un récit qui nous amène à découvrir une planète inédite, un peuple étonnant et une tragique histoire d’amour.

Plus profond qu’il n’y paraît, ce roman bouleverse par l’intensité des émotions invoquées et interpelle par la mise en évidence de l’incompréhension qui peut exister entre deux cultures profondément étrangères …

Étranges étrangers au-delà des étoiles

étrangers de Gardner Dozois- éditions Pocket SF
« Étrangers » de Gardner Dozois © éditions Pocket SF

Le contexte

Les Humains ont enfin rencontré d’autres civilisations extraterrestres. Parmi celles-ci, les Enye, plus évolués technologiquement que nous, ont accepté, avec réticence, de partager leurs connaissances et d’intégrer les habitants de la Terre dans le grand système galactique.

Les Terriens peuvent ainsi naviguer dans l’immensité spatiale et découvrir d’autres mondes et l’un d’entre eux, Joseph Farber, part donc travailler sur la planète des Cian nommée Weinunach (ou « Lisle » par les Humains).

Installé dans une enclave où se rassemblent les Terriens qui ne se mélangent pas au peuple natif, Joseph reste asocial et morose, supportant difficilement la mesquinerie et le racisme de ses semblables.

Alors, parfois, il erre dans une ville qu’il ne connaît pas, découvre des paysages inédits et se laisse envoûté peu à peu – et presque malgré lui – par cette planète étrangère et par les traditions de son peuple.

« Il avait le sentiment que, s’il devait tomber ou sauter, l’immense clameur de l’Alàntene viendrait à sa rencontre et l’emporterait, et il pourrait alors la chevaucher comme une mouette se joue des courants aériens… » (Gardner Dozois)

Aimer jusqu’à la désespérance

Aimer même mal

Le Terrien exilé fait la connaissance de Liraun Jé Genawan, une jeune Cian, lors d’une cérémonie traditionnelle des autochtones et en tombe éperdument amoureux. Un amour partagé mais une passion douloureuse.

L’amour n’est en effet jamais simple. Loin d’être évident entre humains, comment peut-il exister entre deux espèces aux moeurs fondamentalement dissemblables ?

Peut-on réellement comprendre l’Autre quand il est si différent de nous ?

« Chaque fois qu’il pensait avoir saisi son humeur, celle-ci changeait du tout au tout – ou du moins lui semblait-il – et les mots qu’elle prononçait ou avaient prononcés se prêtaient à une interprétation radicalement différente. » (Gardner Dozois)

Préjugés et intolérance

Terriens et Cians vivent donc sur la même planète mais ne se connaissent pas vraiment. Ils se croisent mais s’évitent au maximum, se supportent mais ne s’aiment pas (excepté Joseph et Liraun bien sûr).

Dans un tel contexte empli de préjugés et d’ignorance, l’amour naissant entre deux êtres appartenant à ces deux peuples étrangers peut-il être compris par leurs communautés ?

Peuvent-elles envisager un rapprochement si intime entre deux espèces si dissemblables culturellement ?

Quand les non-dits se multiplient, quand l’intolérance s’incruste dans le coeur des êtres, l’amour le plus intense peut être perverti par l’incompréhension…

Conclusion et avis

« Aimer jusqu’à la déchirure,
Aimer, même trop, même mal… » 
(La Quête, Jacques Brel)

Oui, Jacques Brel l’avait écrit avec ses mots d’écorché vif : l’amour est parfois un combat, une quête ardue, un parcours entre joie et désespérance….

Gardner Dozois met en avant ces difficultés relationnelles qui peuvent exister dans tout couple mais aussi dans toute société, en les transposant dans un monde imaginaire au-delà des étoiles.

Il nous convie ainsi à un voyage intimiste particulier, avec un texte poétique, surprenant par l’impact émotionnel qu’il réussit à susciter en nous.

Il nous invite à découvrir l’Autre à travers un beau roman d’amour où l’on assiste, impuissants, à un drame muet qu’on sent inévitable.

Doucement, insidieusement, les mots de l’écrivain nous happent et distillent en nous une étrange émotion, un curieux ressenti, un envoûtement progressif…

Alors que rien ne le laissait prévoir au départ, j’ai été  surprise d’être happée, presque hypnotisée par l’ambiance de la planète des Cian et son peuple mystérieux.

J’ai été aussi touchée par ce roman mélancolique, émue par cette tragédie lointaine qui m’a rappelé d’autres histoires d’amour maudites narrées en d’autres temps et en d’autres lieux…

D’une manière différente bien sûr mais j’ai songé à  La Nuit des Temps  de René Barjavel ou à La machine de Balmer  de Claude Veillot.

A mon avis, le plus intéressant dans ce roman, c’est que l’écrivain réussit à nous transmettre le ressenti de ses personnages englués dans une spirale d’amour et d’incompréhension dont ils n’arrivent pas à s’extraire, en raison d’un contexte socioculturel qui les dépasse.

C’est un récit de science-fiction étonnant, une fable tragique qu’on peut se raconter le soir au coin du feu et qui insiste sur le choc de deux cultures qui se rencontrent, qui  s’ignorent et se méconnaissent…

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